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1. Femmes et hommes politiques

ARENE D'EXPRESSION : Médias traditionnelle de grande audience (radio, plateaux télévisés) 

TYPES D'ARGUMENTS : Arguments d'autorité ; Arguments de savoir ; Argument de valeur

Dans cette polémique, femmes et hommes politiques sont surtout intervenus dans le but de « rétablir la vérité » sur le contenu de la circulaire n°2018-11 du 9 septembre 2018 et sur la mise en œuvre de l’éducation à la sexualité à l’école élémentaire. Les parents fortement inquiets et critiques sur le fait que l’éducation sexuelle débute dès la maternelle sont rassurés : c’est faux. Il n’y a aucune séance sur ce thème prévue à l’école maternelle. On leur explique ensuite que cette circulaire ne modifie en rien ce qui est déjà prévue par la loi du 4 juillet 2001 (n° 2001-588) relative à l’interruption volontaire de grossesse et à la contraception : trois séances annuelles d’éducation à la sexualité sont obligatoires à l’école dès le CP.

Article L. 312-16 du Code de l’éducation depuis la loi de 2001 : « Une information et une éducation à la sexualité sont dispensées dans les écoles, les collèges et les lycées à raison d’au moins trois séances annuelles et par groupes d’âge homogènes … ».

Les membres du gouvernement usent ici de l’argument d’autorité et de savoir : les parents sont considérés comme inquiets parce qu’en manque d’informations ou en possession de fausses informations. Il s’agit donc de rétablir la vérité sur les faits en tant qu’auteur et responsable de ces faits. Le message étant : « Je suis à l’origine de cette circulaire et je viens vous dire ce qui est réellement écrit sur ce document. ».

Cet argument ne paraît pas pour autant suffisant. Bien qu’il soit nécessaire de stopper la rumeur en rappelant aux parents dans l’erreur que cette circulaire ne crée pas de nouvelles mesures, cela veut-il dire que les parents sont pour autant d’accord avec les mesures de la loi de 2001 ? Si cette circulaire vise à augmenter la mise en œuvre d’une loi jusqu’ici trop peu appliquée, alors nous pouvons aussi penser que beaucoup de parents n’en connaissaient jusqu’ici pas le contenu, et qu’ils ne l’approuvent pas forcément.

Pour justifier l’existence de ces séances, les représentants de l’Etat s’appuient notamment sur les risques inhérents à la sexualité (risques physiques, risques psychiques, risques sociaux) présents dès le plus jeune âge. Toujours dans ce court extrait, Marlène Schiappa évoque les risques d’exposition à la pornographie chez les jeunes élèves, ou l’augmentation du taux de prostitution juvénile en France. Ici, en se basant sur des arguments de savoir (les savoirs sur les risques liés à la sexualité), on signifie aux parents que l’école, de-par son rôle spécifique, est une Institution capable de participer à la lutte contre ces risques. Le registre utilisé est ici celui de la nécessité : il faut faire de l’éducation à la sexualité, parce que c’est un domaine risqué, et que l’école compte parmi ces missions celle de la prévention et de la protection.

Jusqu’ici, peu de polémique en réalité, puisqu’on se contente presque d’une approche médicale ou légale de la sexualité, et peu de parents semblent protester contre l’idée d’une prévention contre les risques majeurs que sont les maladies sexuellement transmissibles, ou la prostitution de leurs enfants.

> La polémique persiste au-delà de la rumeur. Elle n’est pas portée sur la dimension préventive « traditionnelle » de l’éducation à la sexualité. Elle comporte une accusation envers l’école : celle de « pervertir » les enfants et de mettre en danger leur développement affectif en leur parlant d’orientation sexuelle, de genre, d’intimité … L’argumentaire des parents est aussi un argumentaire fondé sur des valeurs, et l’argumentaire du gouvernement ne peut s’y soustraire, car en effet, selon la circulaire, ces thèmes peuvent être abordés dès le plus jeune âge : 

Extrait de la circulaire n°2018-11 du x septembre 2018 : 

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«  1. A l’école élémentaire : (…) A ce niveau d’âge, il ne s’agit pas d’une éducation explicite à la sexualité. Au regard des programmes d’enseignement, plusieurs thématiques peuvent constituer un objet d’étude, en prenant en compte l’âge des élèves :

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  • L’étude et le respect du corps

  • Le respect de soi et des autres

  • La notion d’intimité et de respect de la vie privée

  • Le droit à la sécurité et à la protection

  • Les différences morphologiques (homme, femme, fille, garçon)

  • La description et l’identification des changements du corps, particulièrement au moment de la puberté

  • La reproduction des êtres vivants

  • L’égalité entre les filles et les garçons

  • La prévention des violences sexistes et sexuelles »

Tous ces sujets qui relèvent de différentes disciplines (biologie, éthique, droit …) peuvent donc être abordés au cours de ces trois séances, en tenant compte de l’âge des enfants et même, en partant de leurs propres questionnements. La circulaire n°2003-027 du 17 février 2003 relative à l’éducation à la sexualité dans l’école, les collèges et les lycées mentionnait d’ailleurs: 

 

2. 1. 1. « A l’école primaire, l’éducation à la sexualité suit la progression des contenus fixée par les programmes pour l’école (…). Ils feront cependant l’objet, en particulier au cycle 1 et 2, d’une intégration aussi adaptée que possible à l’ensemble des autres contenus et des opportunités apportés par la vie de classe ou d’autres évènements. (...) ».

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Les membres du gouvernement ont rappelé à de multiples occasions que les recommandations étaient toujours celle d'une prise en compte de l'âge des élèves et qu'un même sujet pouvait être abordé de différentes manières. Les textes sont clairs : il s'agit d'aborder des sujets que les enfants induisent d'abord d'eux-même, dans leurs comportements, interactions et questionnement. 

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C’est à travers les sujets pouvant être évoqués que se cristallise le conflit. Sortie de sa pure dimension biologique, la notion de sexualité porte aussi une dimension sociale reliée à des valeurs, comme le rappellent les propos de Marlène Schiappa « C’est une valeur de la République française, l’égalité filles/garçons ».  L’école est donc ce lieu qui va officiellement, dès le CP, transmettre des valeurs aux élèves en lien avec tout ce qui peut relever de la sexualité. Aborder l’égalité « fille/garçon » ou aborder la non-discrimination et le respect des différences (d’apparence, d’orientation sexuelle) c’est aborder inévitablement la question de la valeur. Il y a ce qui est, en fait, en droit, et il y a ce qui relève du régime axiologique des individus, des familles, des communautés, ou de la Nation. Les valeurs défendues par le gouvernement (et « la République ») en matière de sexualité sont aujourd’hui des valeurs laïques respectant l’intimité et les choix de chacun, en faveur de l’égalité des droits en matière de sexualité (orientation sexuelle, genre), et de l’égalité des sexes (homme/femme/filles/garçons). C’est ainsi que dans une interview réalisée par J. Bourdin le 10 septembre 2018 sur la chaîne de grande écoute BFM.TV, Jean Michel Blanquer affirme « (...) qu’on a besoin de dire dès les premières années de la vie qu’on se respecte entre les sexes, qu’on doit se respecter soi-même, respecter son corps (…) c’est très relié aux enjeux d’éducation civique et morale en réalité. ».

L’argument de valeur est donc posé comme un argument inébranlable, parce qu’il est celui de la République, et l'éducation à la sexualité participe à la formation du citoyen. Marlène Schiappa et Jean Michel Blanquer ne développent que très peu dans les médias la question des différents régimes axiologiques et de leur coexistence possible. J.M Blanquer dit cependant, toujours dans cette même interview : que « (l’éducation sexuelle) c’est un sujet qui engage les parents et l’école, que c’est un sujet sur lequel on doit avoir convergence famille/école, qu’il est hors de question de faire quoi que ce soit qui choque les parents ».

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En disant cela, le Ministre de l'Education Nationale soulève l'importante question de la coéducation, mais il semble nier les difficultés qu'elle soulève en ne développant pas dans son propos la question des différents régimes de valeurs. En disant qu'il est "hors de question de faire quoi que ce soit qui choque les parents", il prétend qu'aucun parent, quelle que soit ses valeurs, ne puisse être en désaccord avec ce qui sera proposé à son enfant. Autrement dit, les valeurs républicaines qui sous-tendent les cours d'éducation à la sexualité sont compatibles avec tous les autres régimes de valeurs. Il n'y a donc aucun problème, il n'y a que manque d'informations, ou de compréhension. Jean-Michel Blanquer parle même d'une "éducation de bon sens", achevant ainsi l'idée du problème axiologique : il ne s'agit pas de débattre de sur les contenus et la mise en oeuvre de l'éducation à la sexualité, puisqu'elle appartient au domaine du bon sens, de la logique. Ici, lorsque Jean Michel Blanquer aborde la question de la coexistence, c'est en oubliant celle de la différence et donc en en niant toute la complexité. 

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