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1. Les parents inquiets ou réticents

ARENE D'EXPRESSION : Réseaux sociaux

TYPES D'ARGUMENTS : Arguments d'autorité ; Arguments de valeur ; Arguments d'émotion

Avant de présenter les arguments des parents d’élèves opposés à l’éducation à la sexualité telle qu’elle est proposée par l’école française, il parait important de distinguer deux phénomènes : d’abord la diffusion par certains parents d’élèves, de fausses informations (rumeurs ou documents détournés), et ensuite la réticence de certains parents à l’idée même d’éducation à la sexualité, telle qu’elle existe vraiment. En effet, après avoir pris connaissance des propos des parents s’exprimant sur les réseaux sociaux, on peut se rendre que compte que si certains se battent contre des affabulations, autrement dit contre ce qui n’existe pas, d’autres se saisissent de cette opportunité pour donner un avis plus global du sujet de l’éducation à la sexualité, à l’école élémentaire ou dans le secondaire. 

 

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On peut dire que la polémique prend naissance sur les réseaux sociaux (Twitter et Facebook), à partir de la diffusion de ce document, qui correspond parfaitement à ce que l’on appelle aujourd’hui une fake news. On y voit côte à côte, la couverture d’article d’un média officiel (BFM-TV) sur laquelle on reconnait Marlène Schiappa, dont on devine le titre « Comment vont se dérouler les cours annuels d’éducation sexuelle à l’école ? », et un extrait de document qui ressemble à un programme scolaire. Accolé ce texte à un article de BFM-TV est une manière de lui donner une apparente officialité.

Sur ce document, on peut notamment lire : Dès 5 ans : « Découverte des rôles sexuels par le jeu (jeux de rôle, jouer au docteur …) » ; Dès 6 ans : « Faire l’expérience des premières amitiés sincères et relations amoureuses avec des êtres du même sexe et ou de l’autre sexe. » … S’il parait envisageable qu’un tel document ait pu choquer une partie de la population, surtout quand on croit qu’il est issu du programme de l’Éducation Nationale, il n’en est pas moins un document totalement sorti de son contexte. Ce document est en réalité un extrait de ressources destinées à la formation des enseignants suisses, datant de 2008. Ce document ne concerne donc pas la France, et n’est pas non plus issu d’un programme d’enseignement scolaire.

Ici, les parents d’élèves se dressent contre une éducation sexuelle précoce, perverse, qui donnerait l’injonction aux élèves d’avoir une vie sexuelle active, sauf que le raisonnement de ces parents est fondé sur de fausses informations. L’éducation à la sexualité en France ne débute qu’à l’école élémentaire, et n’a aucunement vocation à induire l’expérimentation sexuelle, comme cela peut être interprété à travers ces extraits.

Cependant, loin de s’appuyer uniquement sur ce document erroné, des parents étayent leur argumentaire en faisant appel à des références d’apparence plus légitimes. C’est le cas de cette mère (voir vidéo ci-dessus à gauche) qui alerte du danger que représente l’éducation sexuelle à l’école, en se référant à Michel Berger et en dénonçant un texte de l’IPPF concernant les droits sexuels des jeunes.

C’est aussi le cas de ce père (voir vidéo ci-dessus à droite), qui se réfère à Marion Sigaud, écrivaine française contemporaine, qui s’est intéressée au sujet de l’éducation sexuelle.

Ici, ce qui pourrait ressembler à de l’argument scientifique, relève en réalité plutôt de l’argument d’autorité, ou de valeur. En effet, ce sont les figures d’autorité que représentent Michel Berger, présenté comme un « expert, spécialiste de la petite enfance, chef de service » et de Marion Sigaud, présentée comme une « pointure » et une « historienne », qui donnent à l’argumentaire sa crédibilité. Ce ne sont plus les parents qui alertent, ce sont des experts en la matière. Mais ces « experts » fondent-ils eux-mêmes leurs propos sur des arguments scientifiques ? Cela reste à prouver. Vous trouverez une analyse des arguments de Michel Berger dans la catégorie des acteurs « experts ». Marion Sigaud, connue pour ses romans historiques, est aussi une militante politique d’extrême droite, proche du mouvement d’Alain Soral. Cette appartenance nous amène à soulever la question des valeurs. Nous pouvons remarquer que ce qui semble déranger les parents acteurs de cette polémique, au-delà du faux, est peut-être que l’éducation à la sexualité ne se focalise plus uniquement sur une dimension biologique, mais également sur une dimension plus sociale. Ainsi, évoquer les différentes orientations sexuelles, le sujet des stéréotypes de genre, etc. parait ne pas entrer en adéquation avec les valeurs de certains parents. Beaucoup d’entre eux mobilisent l’argument selon lequel l’éducation à la sexualité doit débuter avec l’évolution des paramètres physiologiques des jeunes, et donc à la puberté, au collège. Cette conception de l’éducation à la sexualité peut être qualifiée de médicale et hygiéniste, et elle fait d’ailleurs toujours partie des recommandations et des programmes de l’Éducation Nationale, mais elle n’en constitue plus le tout. Les notions d’amour et d’orientation sexuelle, de consentement, d’intimité, de droits et de crimes, etc. peuvent et - doivent selon les textes - être abordées lors des trois séances annuelles, en tenant compte de l’âge et des questionnements des enfants. Or, aborder ces thèmes, c’est aussi aborder une conception spécifique de la sexualité, qui intègre par exemple les valeurs de la tolérance et du respect de la différence. Cette conception est donc axiologique, et peut s’opposer, de fait, à un autre régime axiologique partagé par de nombreux parents d’élèves.

On trouve donc bien ici une opposition qui relève de l’argument de valeurs : les valeurs éducatives de certains parents en matière d’éducation à la sexualité ne sont plus en adéquation avec les valeurs inculquées par l’école dans ce domaine. Le contrat de confiance entre l’institution familiale et l’institution scolaire semble alors rompu, et des parents, comme en attestent ces différents témoignages, décident de prendre rendez-vous avec les enseignant.es, ou même parfois de retirer leurs enfants de l’école en signe de contestation ….

Il est important de comprendre qu’au-delà des rumeurs et incompréhensions, le sujet de l’éducation à la sexualité suscite chez les parents d’élèves de véritables questionnements, curiosités, et parfois inquiétudes. Le sujet de l’âge est souvent évoqué, celui de la pédophilie également. En effet, plusieurs affaires de crimes de pédophilie commis dans des écoles françaises ont éclaté ces dernières années, et on ne peut ignorer le climat de méfiance que de tels actes ont pu générer. Certains parents voient donc dans l’éducation à la sexualité, un espace de libre court à la perversité potentielle de certains enseignants. L’émotion est donc aussi présente dans l’argumentaire de certains parents : peur, dégoût, « choc » … Le sujet de l’éducation à la sexualité est une question vive de par les vives réactions qu’elle suscite chez certains parents d’élèves.

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2. Les parents favorables

ARENE D'EXPRESSION : Site de la FCPE 

TYPES D'ARGUMENTS : Arguments d'autorité ; Arguments de valeur ; Arguments scientifiques 

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Extrait du communiqué de presse de La FCPE « Education à la sexualité, éducation aux médias, même combat : dire stop aux fake news », Laurence Guillermou, 30/08/2018 ( URL : https://www.fcpe.asso.fr/sites/default/files/2018-08/30082018educationsexualite.pdf)

Dans un communiqué de presse datant du 30 aôut 2018, Laurence Guillermou, chargée de communication de la FCPE, demande expressément aux parents et à l’ensemble de la société de faire cesser toutes les rumeurs et autres tentatives de discréditation de l’éducation à la sexualité en milieu scolaire. Ses mots sont les suivants : « Les enfants n’ont pas de cours de masturbation à l’école maternelle. Les enfants n’ont pas à se déshabiller pour prendre des cours d’éducation à la sexualité. Être homosexuel n’est pas une maladie psychiatrique ».

Après avoir remis les points sur les « i », c’est-à-dire après avoir fermement contesté les propos mensongers circulant sur les réseaux sociaux, Laurence Guillermou rappelle le contexte social dans lequel est évoqué le thème de l’éducation à la sexualité, c’est-à-dire dans un contexte relatif aux dénonciations des violences sexistes et des violences faites aux femmes. Elle explique aussi brièvement la réalité de la mise en œuvre d’un tel enseignement, mais surtout, revient sur les raisons qui motivent son existence. Les arguments utilisés sont de natures diverses. D’abord, on repère l’argument de valeur, qui met ici en avant les valeurs de la tolérance et du respect d’autrui : l’éducation sexuelle doit être un moyen de favoriser l’acceptation des différences et l’égalité des droits, en matière de sexes, d’orientations sexuelles, et aussi de genres. L’éducation sexuelle participe à la formation du citoyen, et entre donc pleinement dans la fonction de l’école Républicaine. Des arguments plus scientifiques issus d’une enquête Ipsos (2018) sont aussi mobilisés. On y apprend notamment que 21% des jeunes de 14 à 24 regarderaient du contenu pornographique au moins une fois par semaine, et que 20% des jeunes de 15 à 24 s’estiment mal informés sur le VIH … C’est donc en réponse à ces chiffres qui renvoient à des attitudes jugées à risque pour les jeunes, que la FCPE justifie la nécessité d’une éducation à la sexualité en milieu scolaire.

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Enfin, ce communiqué insiste sur l’importance du lien entre éducation sexuelle et éducation aux médias. Si le numérique expose les jeunes à des risques en matière de sexualité (pornographie, harcèlement, etc.), certains parents d’élèves trouvent parallèlement en les réseaux sociaux une arène de diffusions de rumeurs et de fausses informations.

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